Voitures autonomes : où en sommes-nous ?

Par Nicolas Plumet | Le jeudi 7 septembre 2017

Les voitures autonomes font aujourd’hui l’objet de beaucoup d’attention et entraînent l’émulation parmi les constructeurs automobiles. Ce concept fait l’objet d’une course à la technologie et les avancées dans ce domaine sont fulgurantes. A tel point que certains grands acteurs du monde automobile annoncent leur premier modèle 100% autonome à l’horizon 2020. Alors faut-il y croire ? En supposant la date annoncée véridique, les véhicules seront-ils aussi performants qu’annoncé ?

Rappelons tout d’abord ce qu’est une voiture autonome. Cette appellation désigne un véhicule entièrement dirigé par une intelligence artificielle capable de se diriger seule, d’interagir avec son environnement pour adapter son comportement en fonction des événements et des autres usagers. Tout ceci dans le but de se rendre à un lieu donné sans intervention humaine. On identifie aujourd’hui six niveaux de conduite autonome (L’ARGUS CONSEIL revisite les 6 niveaux de la conduite autonome). Le niveau 5 correspond au niveau d’automatisation totale que promettent les constructeurs. Les systèmes de certains acteurs comme Tesla ou Mercedes sont de type semi-autonome de niveau 3 ou 4. De manière générale, les constructeurs ont encore du pain sur la planche et la voie libre devant eux pour tenir la promesse du niveau d’une voiture complètement fiable et reconnue comme telle en 2020.

Un secteur en expansion qui fait intervenir des acteurs variés

Les technologies nécessaires pour développer la voiture autonome requièrent la coopération entre les constructeurs automobiles et les acteurs du numérique, de l’informatique et de l’électronique. Les avancées connues jusqu’à maintenant dans ce secteur ont été grandement facilitées par l’association de ces domaines d’expertise. Certains partenariats sont connus depuis quelques temps comme celui entre Google et Lexus mais d’autres sont plus récents et plus fréquents, témoignant de l’activité que connaît le secteur. Ces partenariats sont très diversifiés et nombreux pour bénéficier de synergies, ils ont lieu entre différents secteurs d’activités et également au sein même d’un de ces secteurs. Ils peuvent prendre différentes formes : rachat, partenariat exclusif ou non, mise en commun des ressources …

Les partenariats fleurissent et NVIDIA en est un exemple révélateur : plus tôt cette année, l’entreprise a annoncé plus de 225 engagements différents avec des partenaires sur le développement de systèmes de véhicules automatiques notamment avec des acteurs comme Toyota, Audi ou Tesla. Les partenaires incluent des fabricants de voitures et de camions, des sociétés de cartographie HD ou encore des entreprises de capteurs.

Salon CES 2017, salon de Genève : les fruits de la collaboration

Les salons automobiles qui se sont tenus en ce début d’année (du 5 au 9 janvier pour le CES 2017 et du 8 au 18 mars pour le salon de Genève) ont été l’occasion pour les constructeurs de présenter leur vision du véhicule du futur, connecté et autonome. L’édition 2017 du Consumer Electric Show a placé la voiture autonome au centre de l’attention avec de nombreux modèles dévoilés par les constructeurs comme par exemple la Peugeot Instinct Concept, la Toyota Concept-i ou encore la Portal Concept de Fiat Chrysler.

Peugeot Instinct Concept

Allier sécurité et plaisir de conduite. C’est le challenge à accomplir que s’est lancé Peugeot dans le cadre de la conception de sa voiture autonome. La Peugeot Instinct propose 4 modes de déplacements : Drive Relax et Drive Boost qui impliquent le conducteur ainsi que Autonomous Soft et Autonomous Sharp en conduite autonome. Le mode Drive Boost favorise une conduite dynamique, le Drive Relax assiste au maximum le conducteur avec toute la batterie d’aides à la conduite mise à sa disposition. Le mode Autonomous Soft est focalisé sur le confort et permet à tous les occupants du véhicule de se reposer ou de visionner un film, quitte à allonger le temps de parcours pour en voir la fin. Au contraire, le mode Autonomous Sharp optimise le temps de déplacement avec un comportement routier efficace.

Toyota Concept-i

Ce concept-car du constructeur Toyota est électrique, autonome et intelligent. Intelligent grâce à son intelligence artificielle embarquée nommée Yui. Cette personnification de l’IA met en exergue l’intention de Toyota d’en faire un véritable compagnon de route pour les passagers et pas seulement un outil de conduite. Accueil personnalisé lors de la montée à bord et interaction personnalisée avec chaque passager (musique, film, nouvelles qui pourraient plaire à chacun seront proposés par Yui) sont des indicateurs de ce qu’entend Toyota par « compagnon de route ». Du côté design, celui-ci est futuriste et disruptif. Même si aucune date de commercialisation ou de développement futur n’a été annoncée par le constructeur, la Concept-i en dit long sur la direction que souhaite prendre Toyota, à long terme, sur la voiture autonome.

Portal Concept

Fruit de son association avec la filiale d’Alphabet (maison-mère de Google), Waymo, le constructeur Fiat Chrysler Automobiles (FCA) présente lors du Salon sa Portal Concept : électrique mais surtout autonome. Pour le moment, la Portal Concept dispose de la conduite autonome de niveau 3 mais FCA vise à la développer jusqu’au niveau 4. Du côté connectivité, wi-fi, écrans, caméras et interactions directes avec les appareils connectés des passagers sont présents au sein du véhicule.

 

Le salon de Genève, lui, a entre autres vu l’apparition du Volkswagen Sedric, le nouveau modèle A8 d’Audi avec plusieurs options d’autonomie ou encore le concept Oasis. Le concept car de Peugeot a également montré le bout de son nez au Salon de Genève.

Volkswagen Sedric 

Le concept-car de Volkswagen force le respect puisque s’approchant le plus de ce à quoi ressembleront les véhicules autonomes : un modèle sans pédales ni volant pour une autonomie totale de niveau 5.

Nouvelle Audi A8 

Grâce à ce modèle, Audi montre fièrement ses ambitions pour la voiture autonome. Bardée de capteurs et de caméras, elle semble prête à relever les défis qui l’attendent. Entre 0 et 65 km/h (dans les bouchons), une pression de deux boutons permettra la rétractation du volant, le signal pour le lancement du mode automatique.

Concept Oasis de la firme suisse Rinspeed en collaboration avec Harman

Ce modèle est un véhicule autonome de niveau 4. Les ingénieurs qui ont travaillé dessus présentent une utilisation innovante et originale de la voiture autonome en monétisant le véhicule. Cela veut tout simplement dire que lorsque vous ne l’utilisez pas, votre véhicule pourra effectuer diverses activités monétisables et bénéfiques pour votre portefeuille comme se transformer en Taxi ou en livreur de pizza. En effet, Oasis sera capable de changer et de recharger ses batteries tout seul. Un point non-négligeable quand on parle d’autonomie. Ce modèle intéresse particulièrement des géants comme Amazone et Uber et on peut comprendre pourquoi en pensant à toutes ses applications possibles.

On le voit à travers ces salons, chaque constructeur se donne du mal et fournit un travail énorme pour permettre à sa vision de l’avenir de prendre forme à travers ses voitures autonomes. Ces véhicules sont tous annoncés comme autonomes mais il est nécessaire de les tester et de prouver leur sûreté avant de pouvoir ne serait-ce que penser à la commercialisation.

Quels tests et quels résultats ? Où en sont les constructeurs ?

En effet, les constructeurs pourront tester leurs véhicules de toutes les façons possibles, rien ne remplacera les tests grandeur nature, les tests des véhicules autonomes sur les routes. De plus, les IA des véhicules ont besoin d’apprendre pour être toujours plus performantes. Et quel meilleur moyen d’apprendre que d’être confronté en permanence à des situations imprévues, à la réalité de la route ?

Depuis deux ans, les tests de voitures autonomes sur route en condition réelle sont autorisés dans différents pays. Un point décisif pour faire avancer cette technologie. Voici une liste de quelques tests en cours actuellement ou ayant eu lieu récemment :

Tesla

L’entreprise a déjà plusieurs véhicules sur les routes. Depuis l’accident mortel qu’a connu la voiture autonome de la firme en 2016, Tesla continue les tests pour améliorer ses systèmes. Une expérience grandeur nature devrait avoir lieu en automne 2017. Elon Musk annonce l’arrivée de la voiture autonome accessible aux particuliers en 2019.

Google

Depuis la mise en circulation de ses véhicules (les fameuses Google Car) en 2015, ceux-ci ont connu 17 accidents mineurs, chiffre qui peut rassurer sur la sécurité de ces véhicules. Depuis mars 2017, le géant américain transporte gratuitement des passagers au sein de ses voitures autonomes dans toute l’Arizona. Cela permet de récolter l’avis des passagers et de faire évoluer les opinions sur le sujet de la voiture autonome. Ce test en cours depuis deux ans déjà devrait se poursuivre jusqu’à fin 2017 avec plus de 500 monospaces commandés par la firme au constructeur Fiat Chrylser.

Samsung et Apple

Les deux entreprises ont obtenu en avril de cette année l’autorisation pour tester des véhicules autonomes sur les routes, respectivement, de Séoul et de Californie. Samsung s’est associé avec Hyundai pour éprouver sa technologie tandis qu’Apple a choisi Lexus.

Du côté français, les choses vont bon train également :

Renault 

Renault est un de ceux affirmant qu’il sera prêt dès 2020 à commercialiser des modèles autonomes de niveau 4 pour particuliers. Le constructeur a déjà fait une démonstration auprès des journalistes pour démontrer la fiabilité de ses véhicules. Cependant, la firme française devra encore tester ses véhicules sur des millions voire « des milliards de kilomètres » selon son ingénieur en chef véhicule autonome, Laurent Tapin. Pour atteindre ce nombre et à cause du délai que s’est fixé Renault (3 ans), les voitures s’entraîneront également à l’aide de simulateurs virtuels.

 PSA

Le constructeur ambitionne également de proposer des véhicules « hands off », de niveau 4 à l’horizon 2020. Celui-ci a quelques tests à son actif. Il y a entre autres le passage réussi d’un Grand C4 Picasso au péage de Saint-Arnoult-en-Yvelines, une action délicate gérée sans encombre par le véhicule. De plus, la firme fait tester ses véhicules à des particuliers depuis deux ans maintenant cumulant un total de plus de 125 000 kilomètres parcourus sans aucun incident. Ces tests ont lieu en niveau 4, niveau auquel le conducteur doit pouvoir reprendre le contrôle à tout moment.

Projet SCOOP

Le projet des voitures autonomes est un enjeu pour tous et à ce titre, la communauté européenne s’engage également dans ce secteur en mettant en place le projet SCOOP. Ce projet vise à rendre connectées des portions entières de routes pour faire dialoguer les véhicules entre eux et avec les infrastructures par une technologie sans fil (WI-FI G5). La première phase du projet a été lancée en 2015 sur la portion entre Saint-Brieuc et Rennes avec 300 véhicules à l’appui. Ce projet est actuellement dans sa deuxième phase, toujours en Bretagne avec une extension jusqu’au Finistère. Quatre autres sites ont été choisis pour développer SCOOP à l’échelle nationale : l’Ile-de-France, l’Isère, les régions bordelaises et strasbourgeoises. Ce dispositif bénéficie d’un budget de 13 millions d’euros et prévoit 3000 véhicules équipés ainsi que 2 000 kilomètres de routes couvertes d’ici 2018. Le test est effectué avec des véhicules de Renault et PSA.

 A long terme ?

Tous ces tests permettent de faire ressortir les difficultés de cette technologie et peuvent nous laisser penser que l’on est loin d’une technologie totalement achevée. Et il faut aussi prendre en compte des problématiques extérieures comme la cyber sécurité, l’acceptation par le public, l’assurance d’un véhicule 100% autonome, la législation… Ces différents points vont selon moi retarder la commercialisation en 2020.

Cependant les constructeurs sont conscients de ces difficultés et travaillent pour les surpasser comme par exemple Toyota qui se tourne vers des acteurs de la blockchain pour pallier le problème de la cyber sécurité. La majorité des acteurs s’accorde à dire que seul le « hands off » sera disponible en 2020. Pour le « eyes off » ou niveau 5, il faudra attendre entre 2025 et 2030. A noter que le niveau 5 d’autonomie ne sera possible que sur des autoroutes et dans les embouteillages. En ville, la circulation est trop dense, trop complexe et représente trop de facteurs à prendre en compte. L’autonomie permanente et dans n’importe quelle situation n’est pas pour demain.

 

En conclusion

Nous pouvons affirmer que l’achèvement de la technologie des voitures 100% autonomes va être progressif (« eyes off » puis « hands off »), ce qui laissera le temps aux consciences de se forger une image solide de ces véhicules et de les adopter. Cependant, il est fort probable que la popularisation de ces véhicules n’arrive que dans un second temps après nombre de démonstrations de sûreté et de recommandations d’early adopteurs. En effet, dans la société telle que nous la connaissons aujourd’hui, les avis, conseils ou recommandations d’autres utilisateurs particuliers ont autant de poids que les annonces des grands constructeurs. La popularisation des voitures autonomes suppose une confiance presque totale en ces véhicules. Chose possible dès lors que le plus grand nombre et les plus sceptiques auront la preuve, par d’autres utilisateurs qui leur ressemblent, que les voitures autonomes sont sans danger et réellement… autonomes.


Nicolas Plumet

Nicolas suit actuellement une formation en marketing stratégique et s’intéresse aux voitures de demain ainsi qu’aux changements sociétaux que ces dernières vont amorcer.


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